Philippe Capelle-Dumont et Danielle Cohen-Levinas, Judaïsme et christianisme dans la philosophie contemporaine, Collection philosophie & théologie, Editions du Cerf, 2021, Paris, 438 p.

Le judaïsme et le christianisme se sont séparés dès le deuxième siècle dans des circonstances complexes, et parfois dans une opposition moins marquée que ne le rapporte les rédacteurs des Évangiles, en particulier dans le milieu du christianisme naissant à Jérusalem. Mais l’histoire a fait son œuvre de séparation, de conflits et de terreur, rendant leur existence irrémédiablement, à la fois proche et séparée. Le texte de Vatican II Nostra Aetate de 1965, est, sans conteste, une étape majeure de la reprise du dialogue entre ces deux religions, dialogue toujours à reprendre et toujours exigeant pour ceux qui s’y engagent.

Philippe Capelle-Dumont et Danielle Cohen-Levinas, tous deux universitaires et chercheurs, se proposent d’exposer les différentes approches du judaïsme et du christianisme dans la philosophie contemporaine. Il ne s’agit pas d’une œuvre de synthèse, d’une recherche d’un corpus unique, mais plutôt d’un album de portraits de philosophes chrétiens ou juifs, au nombre de quarante-quatre, qui d’une manière centrale, ou dans une partie plus ou moins importante de leur œuvre, se sont attachés à porter leur réflexion philosophique sur les relations entre judaïsme et christianisme.

Bien sûr les grandes figures de ce dialogue sont Franck Rosenzweig, Emmanuel Levinas, Simone Weil, Jacques Maritain, Charles Bergson ou Paul Ricoeur. Mais d’autres philosophes connus ou non, ont approché cette question de manière parfois partiale ou contingente, qu’il est pratiquement impossible d’en résumer les différences en quelques lignes.

À la lecture de cet ouvrage, on est impressionné par la forte relation entre le vécu du philosophe et son approche de cette question, cette approche que l’on peut qualifier d’existentielle vient écarter, voire rendre impossible, une description systémique ou une position définitive.

Les mots, leurs significations et leur interrelation, changent d’un auteur à l’autre, dans une grande liberté d’approches et d’ouvertures du regard, mais sans concession, et parfois même en critiquant le sens de cette démarche.

Les auteurs de cet ouvrage ont eu, on pourrait dire, la sagesse de ne pas rechercher la synthèse, ni l’explication précise, et laissent ainsi le lecteur découvrir, avec son vécu propre, sa position philosophique, et ses convictions, le large champ des possibles, et au-delà de la force du dialogue.

Gilles Berrut, ancien responsable provincial